Lève-toi et marche!


Combien de jeunes gens et de jeunes filles me sont apparus comme des archanges foudroyés !

Stan rougier

Laisser l’infini habiter notre cœur fini est sans nul doute l’un des grands secrets de la jeunesse.

La jeunesse n’est pas un privilège, un passe-droit. Elle n’est pas une garantie de sagesse et encore moins de bonheur. Elle est une période déterminante, cruciale, durant laquelle l’être humain choisit son âme. Tu es en train d’accoucher de toi-même,  tu es à l’heure des choix décisifs. Choisir, c’est souvent renoncer. Tu pourrais devenir un pourrisseur de vies, un criminel. Tu peux au contraire décider d’être un grand vivant, aussi joyeux, aussi généreux que François d’Assise. Rien n’est écrit ! C’est ce suspense qui est émouvant et pathétique.

Saint Augustin, qui avait eu, lui aussi, une jeunesse agitée, livrait dans une prière : « Seigneur, Tu nous as fait pour Toi et notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en Toi. »

Il y a une soif d’Absolu, une quête de sens, une nostalgie du Paradis dans ton cœur « L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux » (Lamartine).

François d’Assise a fait  – comme des millions de jeunes avant lui et après lui – la découverte brutale de la réalité du mal. Il avait porté son cœur et sa foi vers les gloires militaires. Les chevaliers sur leurs chevaux magnifiquement ornés, c’était tellement fascinant ! C’était si vivant le chant des trompettes qui appellent au combat ! Mais que voit-il, en réalité ? Une vraie boucherie à la bataille du Pont Saint Jean. Les crânes éclatés de ses camarades, les gémissements des blessés, la prison avec ses odeurs de moisi et d’urine. Et les visites nocturnes des rats ! Un an de gâché ! Ah ! Elle est belle la guerre !

Plus l’enthousiasme de vivre est grand dans un cœur de seize ou vingt ans, plus la désillusion est douloureuse ! Quel jeune ne se reconnaîtrait pas dans ce François blessé au plus profond de lui-même ? Pourtant, c’est au cours de cette détention d’un an, de cette retraite forcée, que Dieu va creuser son âme.

Comment avons-nous appris l’envers du décor ? Comment avons-nous su que la vie avait un versant de laideur, de souffrance, d’injustices, de gâchis ?

Combien de jeunes gens et de jeunes filles me sont apparus comme des archanges foudroyés ! Une angoisse sourde avait fissuré leur vision du monde et leur propre image.

Avant cette guerre fratricide contre Pérouse, François est débordant de vie. Il est l’animateur des fêtes. Farces, bouffonneries, chansons… Il ne regarde pas aux folles dépenses.

Tout ce qui peut permettre à un jeune de libérer son trop-plein de vie dans un cadre de camaraderie sera fécond. Une scie à ruban qui tournerait à plein régime sans aucune planche à se mettre sous les dents ferait de beaux dégâts ! Un jeune a besoin d’appliquer son énergie à un matériau. Mettre en œuvre ses compétences au sein d’une association, voilà qui peut canaliser une énergie qui ne demande qu’à s’exprimer. Scoutisme, mouvement Fondacio, associations sportives, chorales, engagements divers… il n’y a que l’embarras du choix ! Sans oublier les études…Mais on ne peut pas bien vivre avec pour seul horizon des exploits scolaires.

Ce sont les responsabilités qui mettent en prise sur la vie réelle et pas seulement les connaissances livresques. L’angoisse qui taraude les jeunes sous des apparences parfois frivoles, anarchiques, superficielles, c’est de ne rien savoir de leur propre avenir. Tout le monde n’a pas dans sa musette un bâton de maréchal.  «  Que ferons-nous de nous ? » Trop dirigé, le jeune tombe dans un assistanat qui peut stériliser son audace. Sans aucun guide, aucun conseiller adulte, il peut ne jamais trouver ses repères.

L’être humain a débarqué sur la planète sans avoir rien demandé. Il n’a pas reçu dans son berceau un « mode d’emploi » très complet. En dehors des règles élémentaires de vie en société, chacun est invité à inventer sa vie. Voilà la nouvelle génération bourrée d’outils et d’informations. Mais la créativité n’est pas au bout d’une flèche de souris d’ordinateur. Il y a un défi à relever et c’est cela le charme de l’existence. Elle est une aventure et non un tapis rouge.
Saint-Exupéry évoque le sort des jeunes gazelles qu’il avait capturées au Sahara. « Ce qu’elles veulent, c’est l’étendue qui les accomplira. » C’est bien cela la grande question ! Où est-elle aujourd’hui cette étendue où l’homme peut se réaliser ?

Arthur Koestler, Maurice Clavel, Antoine de Saint Exupéry, Christiane Singer et bien d’autres dénoncent en notre époque un « complot contre l’âme ».

Quels sont les espaces que nous demandons qu’on nous ouvre ? On a cru qu’il suffisait de nous vêtir, de nous nourrir, de répondre à nos besoins ! Et on a peu à peu fondé en nous le petit-bourgeois, le politicien de village, le technicien fermé à toute vie intérieure !

A. de Saint Exupéry

François a retrouvé l’étendue qui l’accomplirait. Les rendez-vous de Dieu sont assez nombreux pour que chacun y trouve son compte. Pour François, il y eut l’épreuve et la désillusion. Quand Dieu efface, c’est qu’Il va écrire.  Il y eut le silence et la solitude. Il y eut la rencontre du prochain souffrant, humilié, blessé, celle décisive d’un lépreux, et celles des clochards de Rome. Il y eut surtout le regard insistant, pénétrant, d’une icône du Christ crucifié.

Toi aussi, tu reçois des signes de Dieu dans ta vie. Trouve quelqu’un qui t’aide à les lire ! Les signes que Dieu fait à Sa créature chérie ne manquent pas, ce sont leurs clefs de lecture qui font défaut. Une ouverture sur de la vie des saints, et en particulier de celle de François d’Assise peut avoir une fécondité inouïe…

« Les jeunes ont mal de la poussée de leur âme », disait Maurice Clavel, journaliste au Nouvel Observateur. François a fait, en solitaire, une découverte de l’Evangile. Il en a été ébloui, transfiguré pour toujours.

François est un homme qui a choisi de suivre Jésus-Christ au plus près. C’est assez rare une personne qui a une telle détermination, mais cela existe. François n’a pas rencontré une religion, il a rencontré Quelqu’un, le Dieu vivant. Il est difficile de nier l’existence de Dieu lorsqu’on voit Sa trace dans une vie d’homme. De très riche qu’il était, François est devenu pauvre. D’homme de guerre, il est devenu apôtre de la non-violence. D’allergique à la vue des lépreux, il est devenu aide-soignant dans une léproserie…

Ce qui me touche le plus en lui, c’est son souci d’aimer tout être humain, son obsession de la tendresse à tout prix, à l’égard de tous.

Parce qu’il veut suivre Jésus, François accueille le riche comme le pauvre, le musulman comme le chrétien, le salaud comme le saint… Sa recommandation de toujours regarder le bon côté des êtres, sa foi en la capacité des hommes à se transformer sont impressionnantes. On comprend pourquoi il fut  tant admiré par Clémenceau, Gandhi, Mandela et bien d’autres !

Voilà l’homme qu’il faut présenter aux jeunes pour qu’ils échappent aux sirènes de la publicité la plus médiocre, capable de leur couper les ailes, de vider leur émerveillement de son sens le plus sacré et de les détourner de tout idéal. 

(Stan Rougier, Vos fils et vos filles seront prophètes, Bayard)