Qui sera mon témoin ?


A 93 ans il est permis, je pense, de s’asseoir au bord du chemin et d’examiner sa course… Qu’est ce qui m’est arrivé ? J’ai été blessé tôt par un étrange écart entre un idéal merveilleux de paix de rencontres amicales et de constats inverses : guerres, conflits, mésententes…

Plusieurs prêtres nous parlent d’un Dieu qui embauche pour tenter des courants nouveaux. Comment se dérober ?

Au début le terrain est assez simple : la patrouille, la troupe. Faire une greffe de dialogue, d’entente, de miséricorde. Des prêtres nous révèlent que Dieu veut nous inviter à déployer Sa grâce. Nous pouvons offrir à Dieu un point de chute, un ancrage. De même dans certains coins d’Indonésie, des indigènes traçaient des pistes dans la forêt pour faire atterrir des avions apportant des médicaments.

« Veux-tu accepter d’être choisi pour permettre à Dieu de déployer Sa grâce? »

J’ai mis du temps à comprendre. J’ai fait la sourde oreille. J’ai tenté des échappées dans le « service médical » et dans l’accueil des délinquants. C’est à taille humaine. Cela répond à notre sensibilité « humaine ».

En répondant à un autre appel, cela change de registre. « Jeter les filets », c’est une sacrée aventure… Un séminaire, un stage dans deux paroisses, la Mission de France, deux ans, un coup de foudre amoureux, 6 mois pour tenter d’en « guérir », de guérir de la rupture qu’exigeait un engagement sacerdotal,

un noviciat d’un an, deux années encore de séminaire…

Est-on « prêt » alors, « équipé pour l’apostolat »? C’est quoi cette aventure ? Ces 8 années étaient censées être une « préparation ». On se sent aussi démuni que le petit prêtre de campagne de Bernanos, On veut donner à des gens quelque chose dont ils ne veulent pas. On rêve de leur offrir l’Evangile. On le repeint un peu pour qu’il « passe » mieux. Non. Ça ne passe pas. On fait des trucs sympas : du patronage dans les bois, un club sportif, des camps de ski ou à vélo le long des côtes catalanes ou à travers la Corse… J’en passe…

Le filet ne remonte toujours pas de poisson, ou de si petits qu’ils s’échappent du filet. On se répète : « Dieu m’a choisi pour déployer Sa grâce. Mais c’est à Lui à toucher les âmes !… Nous lançons les messages radio… Mais c’est Lui qui assure la communication !… Pourquoi François d’Assise se trouve-t-il des centaines d’équipiers pour l’épauler et nous les missionnaires d’aujourd’hui personne ? moi personne ?

Quels sont les obstacles à la transmission ? Je devine la réponse :  Notre époque est différente… Il y a un mur contre tout ce qui porte la couleur et l’odeur du « surnaturel » : ça sent le piège… on n’a plus l’âge de croire au père Noël… Les contrefaçons se bousculent… Des catholiques identitaires créent des polémiques parfois avec violence.

Les appels à une laïcité agressive, dévoyant le fondement même de la laïcité à la française, se font plus belliqueux. Ils cherchent à expulser de l’espace public toute forme de religion, surtout chrétienne. Ils veulent minimiser le patrimoine religieux chrétien architectural, interdire son expression cultuelle non spécifiquement culturelle (qui n’a en mémoire la polémique récurrente sur l’interdiction des crèches de Noël,

crèche de Noël installée dans l’hôtel du Département provençal

la destruction de calvaires dans les campagnes ou les montagnes ou l’enlèvement de la statue de Saint-Michel de la place Saint-Michel des Sables d’Olonne, et bientôt, qui sait, c’est la mise au ban de la quête spirituelle elle-même qui sera en mire, sauf, sans doute, celle évinçant Dieu de sa Création pour mieux déifier l’homme replié autour de son ego…

Restent les témoins exceptionnels : Pauline Jaricot, Thérèse de Lisieux, Bernadette Soubirous, Charles de Foucauld, Mgr Oscar Romero, les moines de Tibbhirine, le jésuite Pierre Ceyrac, Nelson Mandela, le colonel Arnaud Beltram,…

Le Colonel Arnaud Beltram a donné sa vie à Trèbes pour sauver celle d’une femme retenue otage par un terroriste
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