Eucharisto : Merci !


(Le mot grec « Eucharisto » se traduit par « Merci »)

Le déroulement de la messe ressemble beaucoup à la page d’Évangile des disciples d’Emmaüs. Au début de l’Eucharistie, nous ressemblons à ces deux hommes qui marchent en portant dans leur coeur une déception indescriptible.

Nous aussi, nous sommes lourds d’attentes qui n’ont pas été comblées, de souffrances qui semblent n’avoir pas de sens… C’est ce qui est évoqué dans la « prière pénitentielle » : « Seigneur, au secours ! » L’on chante à chaque messe « Kyrie Eleison » ou  « Seigneur prend pitié ». C’est toujours avec l’idée qu’il y a de la misère.

Voilà qu’un voyageur qui ne s’est pas identifié va marcher avec eux et reprendre toutes les Écritures concernant les heures tragiques du Messie. Il donne ainsi un éclairage nouveau aux événements qui accablent ces deux hommes. Cela correspond pendant l’Eucharistie, à la lecture des textes.

Ces textes sont là pour donner un sens à notre quotidien et parfois le parfois métamorphoser.

Pèlerins d’Emmaüs (James Tissot)

Cinq textes sont lus chaque dimanche : un texte de la Première Alliance, une lettre de Paul, de Pierre ou de Jean, un psaume. Les psaumes sont souvent un cri vers Dieu : « Seigneur, sauve-moi, tire-moi du bourbier ! » ? – Puis, vient l’Acclamation, suivie de l’Évangile et du commentaire du prêtre, « l’homélie » (« le sermon »). Cette parole est censée apporter une lumière sur notre vécu, nous aider à comprendre que les événements de notre vie que l’on percevait peut-être comme négatifs ont une autre issue, une signification différente.

Si l’on a écouté les textes et la parole du prêtre qui a commenté les Écritures, nous devrions pouvoir nous en aller en disant : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant tandis qu’il nous interprétait les Écritures ? » Ce n’est pas toujours le cas, même pour le prêtre, hélas !…

Après l’écoute des textes commentés par Jésus lui-même, les pèlerins vont se retrouver à l’auberge. Au cours du repas, quand Jésus rompt le pain, les pèlerins reconnaissent alors l’homme qui a cheminé avec eux et leur parlait de la Bible. Jésus a offert une nouvelle manifestation de lui-même, par sa « présence réelle » dans une très simple répétition de ce qu’il avait célébré la veille de sa mort avec ses amis.

Dieu avait déjà fait un grand pas en devenant homme. Il en a accompli un plus grand encore en venant habiter notre âme. C’est une transfusion de vie extraordinaire qui change profondément notre existence.

Combien de jeunes m’ont dit : « Je ne vais plus à la messe. À la sortie, les gens disent du mal les uns des autres, alors ça me dégoûte ! » Une jeune fille en colère me lança un jour : « Les chrétiens sont ceux qui entassent le plus de pierres pour les jeter sur la femme adultère. » Je ne crois pas que les chrétiens ont vraiment cette spécialité de parler mal de leur prochain… Tous les humains sont tentés par cette dynamique.

Cela m’avait fait mal. Je m’étais dit : «  Jésus Christ vient sur terre pour nous dire « Plus jamais ça ! » et beaucoup ont l’impression que rien ne change… ? » « Ne jetez pas la pierre à la femme adultère, je suis derrière » chantait Georges Brassens avec perspicacité et son humour habituel. Est-ce donc si difficile d’aimer ?

Que se passe-t-il ensuite dans l’aventure des pèlerins d’Emmaüs ? Vont-ils rester figés sur un prie-Dieu ? Non ! Vont-ils rester là, sans réactions, à continuer leur repas ? Non ! Ils courent. Ils courent à Jérusalem crier : « Nous l’avons vu, il est ressuscité ! » Quand nous sortons de la célébration de l’Eucharistie, nous avons aussi cette tâche : témoigner. « Ite misa est ». La célébration s’achève, la mission de rendre témoignage au Christ, de chercher à mieux le connaître et donner envie à d’autres de le connaître, la mission du chrétien commence.

J’ai souvent pensé que le plus grand cadeau que des croyants peuvent faire à leurs enfants, c’est d’écrire sur un cahier leur foi, de témoigner… de raconter même leur enfance et leur jeunesse en montrant les traces du passage de Jésus dans leur vie. Parce que les parents se plaignent : « Nos enfants, nous avons voulu leur transmettre la foi mais ils ont tout laissé tomber. » Mais eux, les parents, ont-ils témoigné ? Nous les prêtres, avons-nous témoigné ? Nous nous plaignons de choses sur lesquelles on n’a rien fait… Ou pas assez. Pas assez bien.

L’Eucharistie, c’est un grand moment, un grand événement, une grande aventure !…

Combien de fois nous sommes-nous privés de l’Eucharistie, sous des prétextes les plus variés !…

Que Dieu nous aime à la folie, qu’Il nous aime de tout Son Être, qu’Il veuille ne faire qu’un avec nous,… partager nos joies, nos peines, nous ouvrir une fenêtre sur l’espérance, cela n’ouvre-t-il pas une perspective prodigieuse ?

Messe à La Flatière

*

La messe, c’est le mystère de Pâques. Nous célébrons Jésus mort et ressuscité. Nous entendons Jésus nous dire : « J’ai donné ma vie pour toi et Je t’entraîne avec moi dans ma Résurrection. » Cette Résurrection n’aura pas lieu seulement après ta mort mais elle commence dès maintenant. Dès maintenant tu te libères un peu d’un certain nombre d’entraves qui ligotent ta vie, qui te rendent triste parfois, qui te replient sur toi-même.

Donc la messe est réellement un événement extraordinaire. « Si nous la comprenions, nous en mourrions de joie ! » répétait le curé d’Ars. Mais comprenons-nous vraiment ce qu’elle est ? Nombreux, hélas, sont les chrétiens baptisés qui se dispensent très volontiers de la messe !

Pour beaucoup, la Résurrection du Christ semble faire problème. En ce qui me concerne, par contre cela n’en fait aucun ! C’est de l’ordre de l’évidence. Qu’est-ce qui se serait passé si Jésus n’était pas ressuscité ? Des dizaines de personnages se sont prétendus et ont été présentés comme le Messie au cours des premiers siècles. Qui parle d’eux aujourd’hui ? Seuls quelques spécialistes de religion ont entendu parlé d’eux.

Que disaient les textes au sujet du Messie à venir ? Des écrits relataient qu’il serait vainqueur des ennemis des juifs, qu’il chasserait les armées romaines hors de Palestine… Il n’en fut rien.

Des passages de la Bible annonçaient un Messie souffrant, un Messie châtié pour nos péchés, écrasé. Il était « comme Celui devant qui on se voile le visage », disait Isaïe (Is 53,2). « Et nous, nous l’estimions frappé par Dieu, mais c’étaient nos péchés qu’Il portait. Par Ses souffrances, nous avons été guéris » (Is 53,4).

Que serait-il advenu si ses amis ne l’avaient pas revu vivant ? Ils se seraient terrés chez eux, honteux, peinés, découragés, déçus, apeurés…. Se disant : « On a rêvé trop haut, qu’est-ce qui nous est arrivé ? C’est un cauchemar. » Ils n’auraient certainement rien raconté ! Ils n’auraient plus ouvert la bouche.

L’incrédulité de l’apôtre Thomas (Le Caravage)

Or que se passe-t-il ? On les menace de torture s’ils ne se taisent pas ! Et eux, ils crient : « Nous ne pouvons pas ne pas parler. Nous ne pouvons pas ne pas dire ce que nous avons vu » (1 Jn 1,5). « Si les hommes se taisent, les pierres crieront » (Lc 19,40).

 Sauf Jean, tous vont être torturés. Qui peut douter de tels témoins. ? On n’est pas fous, on ne se fait pas torturer pour un mythe, pour une illusion, pour un rêve… C’est donc qu’ils l’ont vraiment vu, Jésus ressuscité  !!! Peut-on trouver une preuve plus éclatante de la Résurrection !

C’est l’annonce de notre propre résurrection.

On se demande : quand on meurt, où va-t-on ? Où sont les frères, les parents, les « amis que l’on a de si près tenus », que nous avons accompagnés, avec qui nous avons partagé tant de moments chaleureux, ou parfois douloureux ?  Poussière ? Envolés ?

Disparus ? Je me souviens de cet homme mourant consolant sa femme qui pleurait à côté de lui : « Mais ne pleure pas ma chérie, je ne pars pas, j’arrive ! »

Lorsqu’on meurt, que devient-on ? Comment serons-nous quand nous ressusciterons ? Est-ce que ceux qui sont morts âgés ressusciteront avec leur corps vieilli et rhumatisant ? Est-ce que le bébé restera bébé pour l’éternité ?Est-ce que l’handicapé sans jambes aura des jambes, à la Résurrection ? Est-ce que les aveugles auront des yeux ? Regardons comment était le Christ : il a la trace de ses plaies, il a des cicatrices. Mais son corps n’est plus sujet à la souffrance. Comme le dit l’Apocalypse de Jean : « De cris, de larmes, de mort, il n’y en aura plus » (Ap 21,1). Il n’y a plus que l’amour.

Et notre corps ne sera plus assujetti à ce que nous appelons la « condition humaine ». Oh, merveille ! Un poète chantait avec sa verve : « Je n’aurai plus jamais mal aux dents » (Georges Brassens).

Mais pourquoi sauter du navire avant d’arriver au port ?

Mon frère toubib m’a dit un jour : Il faut qu’on accorde nos violons, toi et moi. J’ai une patiente que j’essaie de maintenir en vie qui m’a dit hier : « Votre frère, il a tellement bien parlé de la vie éternelle à la télévision, ça me tarde maintenant ! » Avec l’accent méridional de sa patiente, la parole ne manquait pas de saveur.

Si le Christ n’est pas ressuscité, disait saint Paul, « Nous sommes les plus malheureux des hommes, nous avons cru à une baliverne, nous nous sommes tous fait rouler. » Non ! « Je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle. Le premier monde avait disparu. Et j’ai entendu une voix qui disait : Ils sont mon peuple et je suis leur Dieu. J’effacerai toutes les larmes de leurs yeux » (Ap 21,1). Le Seigneur effacera toutes nos larmes, toutes les vôtres et toutes les miennes…

Résurrection du Christ ( Foyer de Charité de La Flatière)

Saint Paul reconnaissait qu’il aurait bien envie de partir pour être uni au Christ. Mais nous pouvons être unis au Christ ici-bas aussi !!! Heureusement tout de même ! Cela vaut la peine de chanter « Alléluia ! Alléluia le Christ est vivant ! » Et s’Il est vivant, nous aussi, nous le serons après notre passage dans la mort !!!… Comme pour les accouchements, là où la tête est passée, le corps suivra. !

*

Une autre réalité capitale nous est ici annoncée : la mort a changé de visage !

S’il n’y a rien après la mort, si la mort est le fin mot de l’aventure humaine, alors la vie elle-même, ses splendeurs, ses amours, ses aventures, ses combats, comment faire pour les prendre tout à fait au sérieux ?

Comment faire pour prendre au sérieux ces routes de l’Histoire qui ne mèneraient nulle part ?

Comment faire pour prendre au sérieux nos affections humaines qui seraient tellement provisoires ?

Je contemple une photo de mes parents et de ma fratrie, tous décédés, et je sais que je les reverrai, plus vivants que jamais, après mon propre envol vers ma maison d’éternité. Cette promesse divine, ce n’est pas rien ! « Trop beau pour être vrai ! » me lancent la plupart de mes amis.

Fratrie Rougier

La vérité se doit-elle d’être triste ? Notre existence est déjà un mystère assez fabuleux pour que celui de notre retour à la vie puisse apparaître comme plus simple, plus naturel.

Quel est le miracle le plus étonnant : surgir du néant pour commencer à exister ou reprendre vie ?

En marche les artisans de paix !…

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