Prêtres de la Mission de France, mes amis-2


Chapitre 2

Au cours de l’année suivante, Jean Vinatier, vicaire général de la Mission de France, m’embaucha, pendant les vacances de Pâques, comme chauffeur pour une tournée de 15 jours à travers les communautés de prêtres du Limousin.

Il recevait de vives critiques de la part de prêtres-ouvriers très agacés par les récentes mesures de Rome interdisant au clergé le travail manuel. Jean me donna son amitié, chaleureuse et fidèle, jusqu’au bout. Elle me fut précieuse.

P. Jean Vinatier, vicaire général de La Mission de France à Pontigny. Un ami.

Missionnaire laïc ?

Les conversations avec le père Gritti, mon conseiller spirituel à Pontigny, étaient tendues. Il se demandait si ma place n’était pas plutôt comme missionnaire laïc. Cela me semblait d’autant plus intéressant que je venais, au cours d’un camp de jeunes, de faire la connaissance d’une jeune fille très attirée vers la vie contemplative. Ses lectures essentielles étaient « Les Études carmélitaines »…

Mais ceci est une autre histoire !…

Après mon départ, le père Morel, supérieur du séminaire de la Mission de France, commenta à mes coéquipiers : « Stan, dans votre équipe, était une lettre d’amour égarée dans un commissariat ».

*

J’eus envie, plus tard, de rendre hommage, dans un livre, à ces compagnons de séminaire de la Mission de France.

J’ai rendu visite, à plusieurs reprises, à l’un d’entre eux, Paco Huidobro, devenu un ami, à Villa Corina, dans la banlieue de Buenos Aires, où il avait élu domicile.

– « Au séminaire, pendant les vacances, me commenta Paco, j’allais toujours passer une quinzaine de jours dans une Trappe. Quand je fus prêtre-ouvrier, toutes les semaines, je pris un jour de silence et de prière pour vivre avec le Seigneur.

Paco Huidobro à Pontigny 1957

J’aimais passer des heures de contemplation devant le Saint-Sacrement. Souvent la nuit, une fois terminées mes activités pastorales, je me réfugiais à l’église pour passer un moment avec Jésus, faire ma révision de vie, regarder le positif et le négatif de mon existence…

Paco sut donner toute sa place à cette relation unique avec Dieu dans la prière, tout en étant sans réserve attentif aux joies et détresses et besoins de tous ses paroissiens.

Il mit sur pied un four à pain pour nourrir des jeunes affamés, une crèche, un foyer mère-enfants pour accueillir des jeunes mamans célibataires, un orphelinat… Toujours avec passion. Toujours avec bonté.

« Ma vie a été sérieusement en danger après le coup d’État des militaires. J’ai été agressé à plusieurs reprises. Une fois, j’ai été renversé par une voiture qui a foncé sur moi. Je suis resté vingt-quatre heures dans le coma. Puis un mois en fauteuil roulant. Le délégué de la Mission de France, Gilles Couvreur, est venu me rendre visite. L’ambassadeur de France recommandait fortement que je rentre en France. Je suis resté.

Paco Huidobro de passage en France années 2000

Paco me fit rencontrer Jorge Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, le futur « pape François ». – »Votre ami est un saint », me glissa à l’oreille l’évêque, au moment où nous prenions congé.

Paco me demanda de l’aider à raconter dans un livre sa mission auprès des populations les plus démunies. Une façon de faire sortir de l’anonymat la vie de ses paroissiens, une vie difficile, très pauvre, au point de manquer parfois jusqu’au minimum vital, mais une vie, aussi, pleine de courage et de foi. Généreuse.

*

Bernard Boudouresque, la Mission de France au CEA

Dans les années 75-77, j’étais aumônier des lycées parisiens Racine, Condorcet et Sainte-Marie la Madeleine. Je logeais rue de Rome. Dans le même immeuble que Bernard Boudouresque, prêtre de la Mission de France, ingénieur à Saclay.

Je l’ai interviewé longuement pour le livre d’hommages aux prêtres de la Mission de France :

– SR : J’entends parfois des critiques sévères au sujet des prêtres-ouvriers. On dit ici ou là qu’ils ont « aplati le Message pour mieux le passer sous la porte ». Ou bien qu’ils ont eu tellement le souci de rejoindre le monde incroyant qu’ils ont été amenés à oublier de quel Message ils étaient porteurs.

– BD : « Comme tu le sais, Stan, je suis polytechnicien. J’ai voulu entrer au séminaire avant d’entrer à l’X. Après mon ordination, le 29 mars 1952, j’ai voulu me faire embaucher dans un laboratoire de recherche scientifique. Finalement, j’ai commencé à travailler au Commissariat de l’énergie atomique (CEA), au centre de Saclay, comme ingénieur au service de technologie.

interview de Bernard Boudouresque par Stan Rougier

J’y ai travaillé jusqu’à ma retraite. Ai-je aplati le Message ? J’ose répondre Non, car j’ai tenté d’expliciter le Message, non par des sermons mais par la vie. Une vie d’écoute, de solidarité, de lutte contre l’injustice.

Chercheur à Saclay, partageant la vie de mes camarades de travail avec les contraintes, les difficultés, les souffrances, les joies, j’ai cherché à être fidèle au maximum à certaines « valeurs » vécues par Jésus : justice, paix, solidarité avec les plus pauvres. Tous savaient que j’étais prêtre. Ils connaissaient mon lien avec l’Église et la Mission de France. Le cardinal Liénart m’a beaucoup aidé.

J’aime bien définir la mission du prêtre comme celle d’un « guetteur », d’un « rassembleur », d’un « homme de la communion ».

Que les chrétiens n’aient pas peur du monde ! Qu’ils l’aiment ! »