Dans un ancien livre du 1er Testament, une mère encourage ses fils au martyre : « Ce n’est pas moi qui vous ai gratifié de l’Esprit et de la vie » (2 M 7, 22).
Le premier homme fut fait de terre. Nous sommes faits d’un homme et d’une femme.
Nous connaitrions-nous mieux en connaissant nos parents ?
Qui était mon père ?
– Vu par ses chefs quand il était soldat de 17 ans : « C’était un brave. »
– Vu par sa fiancée à 24 ans : Un angoissé qui lui écrit : »Je ne sais pas si vous réalisez, je suis effaré de ce que sera votre avenir.
– Vu par son beau père : « Un inconscient qui pourrait freiner ses ardeurs après avoir conçu 3 enfants » (il en a eu 6).
– Vu par le patron de la Mutuelle du Mans : « Un excellent inspecteur »
– Vu par ses enfants : Un Kaléidoscope : du plus clown au plus angoissé… Un travailleur qui tel le pélican se saigne le coeur pour nourrir sa nichée (image de notre mère).
Nous sommes construits de nos parents, comme une maison est faite de granit et de tuiles. Mon père était un immense mystère, comme tout être humain.
Visage grave tel celui de Louis Jouvet.
Tendance à tout dramatiser. Nous mimions ses excès pour les exorciser : « Mes pauvres enfants qu’allons nous devenir ? »… « Les voisins du dessus n’ont pas payé le charbon. Nous serons bientôt sur la paille. »
Je le vénérais comme un grec ancien vénère Zeus. Obsession de l’ordre et de la propreté. Plaintes fréquentes à l’égard des humains, indignation devant toute injustice…
Je me demandais, étant enfant, comment tant de gens pouvaient « chier dans ses bottes », vu qu’il n’en avait pas !
Entre mes 13 et mes 17 ans, si, parfois, un devoir à rendre passait par son visa… souvent, il était déchiré. Et d’un ton sec, il ordonnait : « Recommence ! » Remise du bulletin de notes le dimanche matin : « Tu es d’une nullité crasse. C’est effarant. On va te mettre en apprentissage chez un charcutier » (bonne idée pour me dégoûter de la charcuterie)…
Souvenir d’aucun compliment.
Ironie sur le scoutisme « Qu’est ce que tu vas faire le jocrisse avec un bâton? »… N’avoir pas su le nom du prophète Jéroboam provoqua chez moi un torrent de larmes et mon indifférence totale pour ce personnage.
« C’est lorsque je suis devenu père que j’ai compris qui était Dieu » dit le père Goriot de Balzac. Oui, en effet Dieu, fut d’abord pour moi Zeus l’impitoyable.
Mais tout de même ne devons-nous pas quelques égards à celui auquel nous devons d’être un vivant ?
J’aimais me soumettre au petit jeu dont il raffolait quand nous étions enfants, mes frères et moi. Nous devions répéter après lui certaines phrases :
« Mon petit papa chéri »,
« Je t’aime et je t’adore »,
» Je ne te ferai jamais plus enrager »,
» Je t’obéirais au doigt et à l’œil,
» Je remercierai tous les jours le Ciel de m’avoir donné un père tel que toi. »
Toute attente pour lancer la phrase à répéter se soldait par une torsion du bras dans le dos. J’aimais, finalement, cette « déclaration d’amour ».
Les psys tireront là sans doute quelques conclusions…