Le père Oraison, prêtre d’avant-garde en son temps, répétait en 1968 : « Je ne laisse un séminariste avancer vers le sacerdoce que s’il me dit : « Je veux célébrer la messe ».
Un jour, un jeune militant de Mai 68 déclara à ses camarades : « Stan, quand il dit la messe est plus extasié que chacun de vous quand il fait l’amour. »
Les messes qu’un prêtre célèbre semblent les mêmes puisqu’elles ont le même rituel et la même finalité : »Faire venir sur terre la réelle Présence de Jésus Christ. »
J’aimerais évoquer les différences entre les eucharisties que j’ai célébrées :
– messes de la première année de sacerdoce, régulièrement suivies par une heure de reproches de mon curé : « Ce n’est pas un catéchisme que l’on vous demande, mais de vous adresser aux tripes des gens ! »
– – messes l’année suivante, chaque matin, dans une école ménagère, en présence de quatre religieuses avec lesquelles aucune communication ne s’établit.
– messes paroissiales au cours desquelles pas une seule voix ne vient répondre.
– messe où je me fais menacer de sanctions épiscopales parce que j’ai prononcé le Credo en français et non en latin.
– messes où 1/3 vient à la communion avec un visage en extase et un autre un visage accablé.
– eucharisties des camps d’aumôneries à 2000 m, dans une neige profonde, chaque jeune ayant placé devant lui une bougie allumée protégée du vent.
– messes en pleine mer, avec quelques astuces pour que le calice ne soit pas renversé par le roulis du bateau.
– messes en créole, en plein air, à l’île Maurice, avec des paroles savoureuses : « Signor mo fer Toi, ça di pain, ça di vin, beni li… »
– messes pendant des retraites de militaires, dans la rade de Brest, millimétrées.
– messes à Soweto, avec un ami français qui prêche en langue locale, et des Negro Spirituals aux refrains répétés plus de 40 fois : « In the Name of Jesus, I have the victory » ».
– messes durant lesquelles je peux prêcher en anglais ou en espagnol.
– messes télévisées ou radiodiffusées, à partir desquelles je recevrai des vagues de réactions les plus disparates, de l’indignation à l’enthousiasme… et parfois une véritable conversion.
– messes dans les prisons avec des détenus, dont quelques-uns ont eu le temps de me confier leur destin broyé.
– messes de fiançailles ou de mariage très festives pour des amis ou des membres de ma famille.
– messes de camps où les jeunes se précipitent, à peine la messe achevée, dans un lac tout proche, parfois tout habillés, transfigurés par la joie.
– messe présidée par le pape François et concélébrée avec une vingtaine d’autres prêtres à la chapelle Sainte Marthe du Vatican, un 5 décembre 2014.
et tant d’autres…
Réflexion faite, je pense que l’abbé Oraison… avait raison.