Un 18 décembre…


Un soir, peu après mon retour d’Afrique, entre les vieux murs d’un petit chalet perdu au bord d’un lac de montagne, à plus de 2 000 m., Philippe Maillard, un jeune prêtre dominicain, nous lut quelques pages de Kafka décrivant un père sadique.

Puis il lut la parabole de l’enfant prodigue. Dieu versait des larmes de joie en retrouvant son fils fugueur. Je suis sorti dans la nuit dans ce petit enclos à moutons que l’on voit sur la photo. Ma vie basculait. » Je veux faire comme Philippe. Je veux dire que Dieu n’est pas Celui qu’on croit. »…

Commence alors ce qui fut pour moi « un parcours du combattant ».

« Et je fus comme un lutteur qui plie, non qu’il se croit faible mais parce que l’autre est plus fort…Et voici que Vous êtes quelqu’un tout à coup » (P. Claudel).

De 22 ans à 30 ans, revenait cette question lancinante : prêtre ou pas prêtre ? ….Prêtre ? ou …. »une autre forme d’apostolat à inventer » ?…

Hésitation continuelle pendant près de 10 ans… Quatre maisons de formation (Issy, Pontigny, Lille, Versailles)…

6 mois avant l’ordination, le doute subsistait :
Prêtre comme l’aumônier scout de Clermont- Fd ? Oui !….
Prêtre comme certains préfets de discipline d’école catho ? Non merci !…
Prêtre rayonnant de joie et d’humanité comme Philippe Maillard ? Ah Oui !
Prêtre comme ceux qui confortent quelques dames patronnesses? Non merci ! Prêtre comme l’abbé Pierre et les prêtres ouvriers ? S’ils veulent bien de moi. Avec joie !…
Prêtre comme les fonctionnaires des célébrations soporifiques ? Non merci ! Prêtre des prédications du père Carré ? Ah oui !…
Prêtre coincé, momifié, sentant l’humidité des sacristies ? Non merci !….

La passion de soigner dans un hôpital d’Afrique…. La lecture d’une phrase de Saint Exupéry : »A la tête de ma cité, j’installerai des poètes et des prêtres. Et ils feront s’épanouir le cœur des hommes »… Le vide spirituel effarant d’une époque matérialiste. Toute la littérature de ces années d’après-guerre (20 millions de morts) qui portait l’angoisse de l’absence de Dieu)… Il fallait un acte fou, se donner corps et bien, sauter dans le vide; marcher sur l’eau… Après, il faut tenir !… « Ce n’est pas vous qui M’avez choisi » 


Hier soir rencontre d’un lycéen qui s’est ouvert les veines… Massacre à Strasbourg « Qui nous délivrera? » Il faut vraiment un supplément d’âme…Le mal a trop d’avance… Récemment des virus ont infesté jusqu’au sacerdoce…..
Envoie Tes messagers Seigneur !…

18 décembre 1960. Le grand jour est arrivé !

Ce jour-là, à l’église Saint Martin de Meudon, Mgr Renard me conférait le sacrement de l’Ordre.

Allongé sur les dalles glacées pendant la longue litanie des saints, je laissais partir une vague de larmes.

Pourquoi ?

18 décembre 1960 – Meudon.

Sans doute le sentiment écrasant de la mission et celui, plus lourd encore, de mon indignité. Je savais par expérience combien même les meilleurs des humains referment les volets dès que Dieu frappe à la porte.

La phrase qui avait soulevé mon âme 10 ans plus tôt était toujours là : « À la tête de ma cité, j’installerai des poètes et des prêtres. Et ils feront s’épanouir le coeur des hommes. » (Antoine de Saint Exupéry, Citadelle)

Meudon – messe de jubilé 50 ans ordination -18 déc 2010

Les prêtres qui m’ont le plus inspiré se trouvent dans le livre : « La passion de la rencontre » (Le Relié). J’aurais rêvé d’ajouter Florin Callerand, Marie-Jean Mossand, Pierre Abbeberry….

Merci Antoine !…

À bientôt ! Un jour, face à face !…

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