Propos recueillis par J. Raymond, publiés dans « La Vie nouvelle », janvier 1998
Pour une trentaine de jeunes de la région parisienne, les vacances de Noël ne sont pas seulement l’occasion de « s’éclater » dans la neige mais aussi de faire une triple rencontre qui marque leur vie, grâce à l’animation du P. Stan Rougier, d’Alain Piro et de quelques aînés comme Patrick. Ils le disent ou ils l’écrivent.
J. R. : N’êtes-vous pas spécialisé dans les jeunes ?
Stan : C’est une expression osée ! C’est avec eux que je me sens le maximum de connivence. De plus l’influence qu’on peut avoir sur eux est durable et il est important de ne pas manquer de les aider dans la période cruciale de la vie, celle de l’adolescence qui contient en germe ce que l’on sera. Combien de jeunes n’ont, hélas, personne pour les aider à ce moment décisif. À cet âge, prendre l’habitude d’une vie collective, vivre ensemble des joies et des peines, c’est merveilleux.
Alain Piro (ingénieur, 54 ans, bras droit de Stan Rougier. Il passe ses vacances en camp). Encore faut-il quelqu’un qui leur parle avec ses tripes, comme toi, Stan. Autrement, s’ils ne sentaient pas cette vérité dans ta vie, ça ne passerait pas.
Stan et A
J. R. : Comment avez-vous choisi de venir camper ici ?
Stan : En 1969, j’ai envoyé une cinquantaine de lettres pour trouver un point de chute pour un camp de jeunes à Noël. Dans les 8 réponses, celle de Pierre Micheland, qui venait de prendre poste à Fontcouverte, a fait tilt ! Il offrait un local, sans mobilier, à la Toussuire. Il m’a monté en voiture ici. J’ai eu le coup de foudre. Depuis, chaque année nous revenons. Des liens se sont créés, très chaleureux avec les gens, le pays.
J.R. : Dans quel but menez-vous ces camps ?
Alain : Pour faire une triple rencontre : découvrir Dieu, se découvrir et découvrir les autres. Les trois s’épaulent mutuellement. L’amitié est une parabole de la relation à Dieu, et plus on découvre les autres en profondeur, plus on découvre qui est Dieu vivant. Dans le tract qui annonce le camp, il est écrit : « C’est entre neige et cieux : on rit, on skie, on prie. Comment te dire mieux : une tranche de vie sous le regard de Dieu.
J R : Cette découverte n’est pas évidente ?
Stan : Heureusement ! Dieu respecte notre liberté, Il ne s’impose pas. Mais on fait de réelles découvertes. Les adolescents ne se connaissent pas eux-mêmes, ne se seont pas situés par rapport à eux, aux autres, à Dieu. Ils flottent. Ici, dans un climat de liberté, d’amitié, ils apprennent à se libérer, à s’exprimer. Patrick peut le dire, lui qui a participé à plusieurs camps avant de revenir comme animateur.
Patrick : Au camp, il y a un espace de liberté d’expression assez rare aujourd’hui. Dans un climat d’aumônerie de lycée, mais avec la chance de vivre 10 jours en commun, où chacun peut trouver des éléments pour sa propre évolution. C’est la différence entre ce type de camp « ski et réflexion » par rapport à d’autres du genre « ski et belote ». J’y ai cherché les racines de ma foi et à sortir du brouillard. En plus il y a une dynamique de groupe exceptionnelle grâce à la personnalité de Stan et d’autres, sans oublier la manifestation de splendeur des montagnes, l’éclatement physique. Tout est performant.
Stan : Un jeune m’a confié : « Ce ne sont pas 10 jours super, ce sont 10 jours qui permettent d’en vivre 365 super : ça donne du souffle à tout le reste. Des jeunes, je peux l’affirmer, se sont libérés ici de trucs très gros ; portés par l’amour des autres, ils ont vidé leur sac dans une qualité de silence réelle.
Alain : À chaque camp, nous vivons des moments d’une intensité assez extraordinaire. Parfois cela apparaît le lendemain dans le cahier de camp où chacun peut écrire quand il le veut. Nous mettons des feuilles libres à la disposition de tous, que chacun est libre de remplir et de lire. Après, on en fait un livret photocopié pour tous. C’est une mine aux témoignages bouleversants, avec des choses truculentes, humoristiques.
Stan : Depuis des années, il y aurait de quoi faire un ou plusieurs livres passionnants. En les relisant, on constate une maturation progressive, telle cette jeune fille devenue religieuse, tel ce jeune qui se disait athée et se pose des questions sur sa vie, son sens… les blocages sont tombés.
Alain : On retrouve la profondeur de ce qui s’est passé dans les moments de rencontre, les débats à la veillée, les célébrations à la chapelle, l’importance de l’effort en commun et des relations entre copains. Stan dit souvent : « Le plus court chemin d’un être à un autre passe par Dieu, comme dans la liaison par satellite ! »
Stan : Nous veillons aussi à rencontrer les gens de la station, locaux ou vacanciers. Nous les invitons à partager une veillée-débat sur un thème qui varie à chaque fois, par exemple : « Croire, qu’est-ce que c’est pour vous ? » ou « L’Espérance », c’est un thème que j’aime bien… Nous animons les messes, préparons Noël ensemble, avec deux répétitions communes Les contacts sont chaleureux.
J. R. : Rentrés à Paris, les jeunes se réunissent-ils encore ?
Alain : Dans la mesure du possible et avec beaucoup de souplesse. Les jeunes sont invités à participer à des réunions de prière, à faire partie d’une petite chorale, certains animent des messes, d’autres viennent encadrer les plus jeunes. C’est une aumônerie en liberté. Le temps fort du camp crée une dynamique qui agit au long de l’année.
Stan : Je reçois souvent des lettres d’anciens qui me disent qu’ils ont été accrochés ici à certaines vérités, à certaines valeurs, même si, par ailleurs, ils ont décroché de la pratique religieuse. Voici la finale d’une longue lettre qu’un jeune écrit du Burkina Faso, où il est en coopération : « Peut-être ai-je pris un chemin tortueux pour en revenir à un Noël à la Toussuire. Je me souviens de tant de veillées, de discussions… Nous avions toutes les conditions réunies pour comprendre… J’ai envie de hurler maintenant que la vraie Vie existe réellement… Dieu croit en nous, Lui seul peut donner un sens à notre vie !
Tout le reste, c’est de la poussière. Si vous êtes déterminés à croire en l’homme, croyez en cette lumière qui doit naître en Lui, croyez en la naissance du Christ, en nous-mêmes ; au coeur de la plus longue nuit de l’année… C’est Noël , profitons-en !