Je me laisse couler au fil du temps
Je ne m’applique à rien
devenu tout entier « d’application »
Ô mon amour qui est silence
J’ai besoin d’échapper vers toi
toi qui habites au-delà
des désirs et des pensées,
au-delà des mots
et du temps.
Du matin au soir je cours
d’une rencontre à l’autre…
Je suis l’enfant de ce siècle vorace,
où la parole est bavardage
et l’acte possessif.
Où l’événement se fait image
et le coeur se meurt de ne pas aimer.
Peut-on mettre les deux pieds dans le même sabot?
Peut-on mettre deux vies dans le temps d’une seule ?
Voici que le silence nous rend
le prix des mots
et le parfum des choses
et le goût d’une action
qui soit action de grâces.
Ne rien faire, ne rien vouloir.
Écouter le vent ou le chant d’un oiseau
Écouter
comme un enfant la vie au ventre de sa mère,
l’oreille contre son coeur.
Comme une graine au fond des sillons
se déshabille
et rêve aux ailes des moulins.
Comme la chenille rampante et velue
s’immobilise en sa retraite
et de ses laideurs
voilà qu’elle tire
un monde tout en couleur
et qui palpite.
Un monde d’ailes et d’antennes
qui se précipite à l’invitation des fleurs.
Nos fièvres et nos contradictions
nos hontes et nos dégoûts
nos infidélités et nos blessures,
efface-les, Seigneur,
de Tes doigts de silence.
(Stan Rougier)