« Tel mot est un sourire et tel autre un regard….

De quelque mot profond, tout homme est le disciple.

Ce qu’un mot ne sait pas, un autre le révèle.

Les mots heurtent le front comme l’eau le récif…

Ils fourmillent, ouvrant dans notre esprit pensif

des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes…

Les mots sont des passants mystérieux de l’âme…

Quand les jours où la terre entrouvrait sa corolle

le premier homme dit la première parole.

Le mot né de sa lèvre, et que tout entendit, rencontre dans les signes la lumière et lui dit :

Ma sœur, envole-toi, plane, sois éternelle.

Tu vas être une vie et je vais être l’autre.

Sois la langue de feu, ma sœur, je suis l’apôtre.

Surgis, efface l’ombre, éblouis l’horizon.,

Sois l’aube, Je le vaux car je suis la raison…

Avec tes rayons d’or, tu vas lier entre eux

Les terres, les soleils, les fleurs, les flots vitreux,

Les champs, les cieux ; et moi, je vais lier les bouches ;

Et sur l’homme, emporté par mille essors farouches,

Tisser, avec des fils d’harmonie et de jour,

Pour prendre tous les cœurs, l’immense toile Amour…

[Le mot] Il s’incorpore au peuple, étant lui-même foule.

Il est vie, esprit, germe, ouragan, vertu, feu ;

Car le mot, c’est le Verbe, et le Verbe, c’est Dieu »

(Victor Hugo, Les Contemplations).