Un visage me hante


Je rentre d’un pèlerinage de cinq jours avec cent-quarante jeunes. Moments inoubliables de nos célébrations sur les lieux mêmes où les premiers témoins ont crié au monde occidental la Bonne Nouvelle. « Tu es précieux aux yeux de Dieu. Tu n’as rien à craindre, Il t’aime. »

Le visage d’une jeune fille du groupe me hante. Lorsqu’elle avait 18 ans, il y a 9 ans de cela, un garçon imprudent a fait exploser une charge de fusil de chasse à un mètre d’elle. Elle a subi plus de cent opérations au visage, et c’est loin d’être terminé. Son œil unique, posé sur un amas de cicatrices, semble interroger : « Pourquoi ? Pourquoi moi ? » Énigme sans fond de la souffrance innocente qui nous laisse effarés, maladroits, bêtes. Peur atroce que tout cela soit la signature d’un dieu cruel ou indifférent. Je sais par expérience combien la révolte décuple le malheur.

Par sa démesure, la blessure de cette jeune fille volatilise tout attendrissement sur notre propre sort. Par sa démesure cette souffrance anéantit nos préoccupations stériles. « Le Christ n’est pas venu expliquer la souffrance, Il est venu la remplir de sa Présence » fait dire Paul Claudel à l’un de ses personnages. Comment oublier ce moment unique, lumineux, inespéré où cette jeune fille, ayant saisi le micro d’un des autocars, se mit à chanter d’une voix poignante : « Oui, nous referons le monde, rempli de fleurs et de colombes… »

L’enfant à la colombe, Picasso

J’entendais les propos de Dieu à Son peuple : « Je ferai de toi un objet d’éternelle fierté… Et ton Dieu sera Ta beauté » (Jn 60,15).

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