Dès les premières chapitres de la Bible, aux splendeurs de la Création et à la merveille du premier couple succèdent la faute originelle et le crime de Caïn.
Ce qui m’a le plus frappé tout au long de mon existence, c’est le contraste entre le plus sublime et le plus abject.
Souvenirs de l’enfance :
– joie d’un regard qui exprime la tendresse et amertume d’un reproche paternel
– joie de l’amitié et humiliation d’un échec scolaire
– moments magiques auxquels succède l’envie de mourir
Le meilleur et le pire semblent le recto-verso d’une même réalité qui se nomme la vie. « Mon corps est mon meilleur ami et mon pire ennemi » (Angelus Silesius).
Combien de poèmes et combien de chansons évoquent cette dualité de l’ombre et de la lumière.
Dans les maisons d’arrêt dans lesquelles j’ai été invité à m’adresser aux détenus, j’ai vraiment entendu le meilleur et le pire.
Dans les confidences reçues par les couples dans ma vie de prêtre, j’ai entendu l’enfer et le paradis.
Les êtres, les choses, les représentations, les événements, tout semble avoir deux visages.
Beauté et laideur. Tendresse et cruauté. La pureté la plus noble et la vulgarité la plus médiocre. Les religions elles-mêmes portent le miracle de la tendresse humaine et l’abomination d’une emprise, d’un étouffement le plus austère.
Christiane Singer revenait souvent sur le thème de la dualité du réel : « Si tu veux pile, il te faudra aussi prendre face. »