Par Christian Makarian, PUBLIÉ dans l’express LE 14/04/2018 À 08:00 , MIS À JOUR LE 18/04/2018 À 16:20
Au fil des ans, jamais blasé, Stan Rougier a connu plusieurs vies : prêtre, éducateur, prédicateur, animateur de retraites, marcheur, nageur, chanteur et, surtout, aventurier…
Inlassable, le père Stan Rougier poursuit sa leçon de vie dans son 41e ouvrage, Journal d’un novice (Salvator).
A près de 88 ans, l’œil vif et le sourire généreux, il garde le charisme d’un acteur américain et une stature athlétique. Stan Rougier est un cas unique, il ne souffre pas de copie : avec 40 livres écrits en quarante ans, ce prêcheur infatigable continue de tracer sa route et publie son 41e ouvrage, Journal d’un novice (Salvator), d’où surgit cette pensée à rebours des bondieuseries : « Notre première vocation, c’est d’exister. »
L’élan du pasteur a libéré en lui le baroudeur
Au fil des ans, jamais blasé, Stan a connu plusieurs vies : prêtre, éducateur, prédicateur, animateur de retraites, marcheur, nageur, chanteur et, surtout, aventurier – prêt à rire de ses mésaventures… Un jour qu’il se baignait dans le Gange, on lui dérobe tous ses vêtements ; il déboule presque nu dans les rues de Bénarès à la recherche d’une église et demande secours au curé local, qui lui demande de réciter la messe en latin – en slip – pour le croire.
En visite en Chine, l’année de la mort du Grand Timonier, le père Rougier s’amuse à attribuer en public à Mao Zedong des paroles du Christ, ce que le guide officiel prend pour argent comptant en applaudissant : « J’ai évangélisé les communistes chinois à leur insu », s’esclaffe encore le sacré farceur. Il écrira, en résumé des dictatures : « Les tyrans furent tous des mal-aimés. »
Drôle de pedigree, qui a commencé presque par hasard. En 1971, alors vicaire, il envoie, plein d’espoir, un article à la revue paroissiale de Savigny-sur-Orge : le texte est sèchement refusé. Dépité, Stan réexpédie alors le même papier à La Croix, qui accepte de le publier. Suit une carrière de chroniqueur de presse, jusqu’en 2013, conjuguée avec des succès d’auteur (son premier livre, L’avenir est à la tendresse est un best-seller en 1977) qui le propulsent vers la notoriété : « Star » Rougier devient intarissable….
Mais invariablement reconnaissant à celui qui l’a mis sur le chemin du ciel, Saint-Exupéry, grâce auquel il a appris à « respirer plus haut », comme il le raconte dans « Que peut-on dire aux hommes ? » (Mame).
« Il a une capacité d’émerveillement et un amour de la vie qui m’impressionnent »
Stan occupe la cène depuis plus d’un demi-siècle ; il a instruit tant d’esprits inquiets, apaisé tant de cœurs contrits, qu’il a acquis la réputation d’accompagnateur de la joie à travers les générations. « On connaît l’arbre par le fruit », dit l’Evangile de Matthieu. Depuis sa retraite de Mennecy, dans l’Essonne, il poursuit sa leçon de vie et revoit à l’occasion celles et ceux qu’il a « formés ».
Comme Ariane, qui dirige un groupement professionnel et mène de front les défis de sa carrière et sa vie de femme. Elle est heureuse de le retrouver, en 2018, après trente-cinq ans d’absence, comme aux jours de son adolescence, paroissienne à Gif-sur-Yvette.
« Stan, confie-t-elle, a une capacité d’émerveillement et un amour de la vie qui m’impressionnent ; le temps n’a pas de prise sur lui, l’amour qui l’anime est communicatif. Je mesure l’influence qu’il a eue sur moi et j’ai envie que mes deux fils le rencontrent à leur tour. »
De son côté, cet ancien correspondant d’une grande chaîne de télévision à Washington et à Moscou, désormais l’une des figures vedettes de BFMTV, n’a rien oublié de ses excursions : « Quand j’avais 17 ans, c’était fascinant de voir la passion que Stan déployait pour convaincre une bande d’ados turbulents de l’existence de Dieu en les faisant se lever à 5 h du matin pour admirer le lever du soleil dans les montagnes des Alpes. Il était en avance sur son temps. »
Bien sûr, Stan confesse aujourd’hui quelques douleurs récurrentes, comme celle qui lui tenaille l’épaule droite – trop de roulés-boulés en sautant d’un cheval au galop. Mais son remède reste sa force intérieure.
Journal d’un novice, par Stan Rougier, Salvator, 333 p., 20 euros.