Jeanne la poétesse


Quand j’avais 12 ans, Jeanne m’invitait à déjeuner chez elle tous les dimanches. Elle voulait absolument m’enseigner le piano. Mais ce qui transfigurait son visage de bonheur, c’était de m’entendre déclamer « Le Samouraï » ou « Les Conquérants », de Jose Maria de Heredia, qu’elle m’avait fait apprendre par cœur.
Elle était amoureuse de mon grand-père, veuf, et me lisait des poèmes, qu’elle lui destinait mais n’osait pas lui montrer.

Elle me répétait : « Reviens vite me voir ! Si tu savais comme tes visites me font du bien ! » Tout était pour cette écorchée objet de tourment, alors j’inventais des blagues et des chansons pour la faire rire.

Elle m’offrit, lors de l’une de mes visites, un livre d’un pasteur suisse : « L’Ami », un ouvrage de spiritualité au-dessus de mes facultés de jeune adolescent mais que je tentais de comprendre. Je préférais Verlaine.

Jeanne a produit plusieurs ouvrages de poésies. Dont l’un, « Les Roses sur le mur », publié en 1926, chez Berger-Levrault et & Cie, a été préfacé par Francis Jammes.

« J’aime à sentir l’amour bourdonner à ma porte

comme une abeille d’or que guide le désir

Respirant le parfum printanier que m’apportent

les ailes de la joie impossible à saisir » (Jeanne Joannard)

©Stan Rougier

Un chapitre de « La passion des rencontres » (éd. Le Relié) lui est consacré. Son mari, général, m’a offert, en 1940, des petits chevaux de porcelaine qui trônent encore sur mon étagère.

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