Choisis la vie !


Lettre à toutes celles et à tous ceux que mes jambes m’empêchent de rencontrer au Forum À Ciel ouvert 2022, à Aix-les-Bains

Nous sommes des êtres de rencontre et de recueillement. À mesure que tu parles, j’existe. Comment donner sens à notre vie ? Comment échapper à la nuit du vide spirituel ? 

Un numéro spécial du Nouvel Observateur titrait : « Les 40 plus grands esprits » Surprise : pas un seul visage de croyant ! Ni bouddhiste, ni musulman, ni juif, ni chrétien !

« Il faudra réintroduire les dieux » prophétisait Malraux. Nous n’en prenons pas le chemin. Chacun de nous ici a une histoire avec Dieu sinon Il ne serait pas venu. Pour moi, j’ai eu, à l’âge de 20 ans, un choc avec le Dieu cent fois cité dans Citadelle de Saint Exupéry. Ce Dieu a décidé de ma vie. « À la tête de ma cité, j’installerai des poètes et des prêtres. Et ils feront s’épanouir le cœur des hommes. » « S’épanouir le cœur », y avait-il plus beau destin ?

Mon Dieu à moi, c’est le Dieu de Rembrandt serrant sur Son cœur un fils indigne, peint dans son tableau « Le retour de l’enfant prodigue ». Bien des pères n’auraient eu qu’un réflexe : « Va-t-en ! Tu n’es plus mon fils. Je ne veux plus te voir ! » Cet enfant fugueur, c’était moi. Ce Père a conquis mon cœur.

Tableau de Rembrant, Retour du fils prodigue

Yvan Amar, rencontré après une odyssée de 6 000 km, en autostop, m’a confirmé dans l’idée que les mystiques n’ont pas de frontières : « Ils parlent le même langage car ils viennent du même pays. »

« Pour faire un homme, mon Dieu que c’est long ! » Chaque être humain a été façonné par combien de générations antérieures ? Plus de 200 personnes ont été mises à contribution sur seulement deux siècles pour que tel ou telle d’entre nous existe. Cela ne peut pas être “pour rien”. « Je veux connaître les projets de Dieu » telle était la quête d’Einstein.

La vie spirituelle commence dès que l’on découvre que tout est signes, que tout est « apparition d’ange », que tout est message. Lorsque Jacob s’éveille de sa nuit dans le désert, il s’écrie : « Dieu était là et je ne le savais pas. » Tout est révélation.

Pour beaucoup, la cadence de la vie, les tâches domestiques, les problèmes financiers, un ensemble qui relève des soucis pratiques du quotidien laisse peu de place aux questions spirituelles : « Qui suis-je ? » « Pour quel projet suis-je monté dans ce vaisseau spatial nommé “la Terre” ? Question laissée si souvent de côté par ceux dont c’était pourtant la mission de l’évoquer : la famille et l’école.

Les aventuriers de l’âme étaient parfois au programme mais M. Naulin, mon prof de philo, n’avait guère de curiosité métaphysique. J’ai eu la chance de participer à l’âge de 18 ans, à un club de lecture : Malraux, Camus, Bernanos, Rops, Montherlant, étaient à notre « programme ». Un prêtre très chaleureux et discret animait le groupe.

Imaginons : un jour vous êtes séquestré par des malfrats et vous vous réveillez en plein océan. Même si votre cabine est confortable, vous ne pourrez vous libérer de deux questions : « Qui m’a mis là ? » « Dans quel but ? » Telle est bien notre situation et on ne cesse de nous répondre : « Ne cherche pas… Cela ne sert à rien ! », « Tais-toi, lave le pont et épluche les patates ! » Aucun animal ne semble préoccupé de savoir d’où il vient et quel est le sens de sa destinée. C’est ce qui a fait dire : « L’homme, cet animal raté » à P. Jouventin, à Lamartine : « L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux » ou à Albert Camus : « L’homme est un étranger. Son exil est sans remède, étant donné qu’il est privé du souvenir d’un foyer perdu ou de l’espace d’une Terre promise. »

Portion de l’univers vue par Hubble

Notre siècle a mis aux commandes un cerveau allergique au spirituel. La boussole est déréglée. Nous avons perdu le Nord. Les spiritualités sont d’une grande variété mais dans ce vaste imbroglio, quelques pièces dominent : Joie, tendresse, respect, sagesse, empathie, générosité, humilité, douceur. D’autres, avarice, colère, vanité, détériorent et menacent l’ensemble du tableau et doivent, comme les baobabs de la planète du Petit Prince, être arrachées.

Les chemins de la quête spirituelle sont vastes et nombreux.

« À Ciel ouvert » m’est apparu comme une terre d’accueil et de dialogue. La devise pourrait être : « Ta différence m’augmente ». C’était déjà un arc-en-ciel.

Je suis entré dans cette aventure après avoir lu, un jour, un article de Christiane Singer dans « Terre du Ciel ». Vivent les rencontres !

Je vous bénis toutes et tous et espère bien vous retrouver encore souvent dans les numéros désaltérants de « Sources ».

À très bientôt !

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