Une école de poésie


Quand découvrons-nous que nous avons une âme?…

« Qui accepterait de me donner une âme ? » criait en sanglotant Agnès, une amie poète de mes années de jeunesse… Une faim enragée d’Absolu la dévorait. Notre tare originelle était son tourment : nous venons au monde séparés de Dieu. Pour cette raison, le bonheur nous échappe. Au lieu d’accueillir la condition humaine comme un cadeau prestigieux, nous ruminons nos défaites. Nous voulons prendre ce que notre Créateur désirait nous donner…

La perte de confiance en Dieu, notre Source, entraînait tous les autres soupçons… Ayant rompu le lien avec le Père des hommes, nous oublions le chemin de la fraternité. Notre regard a perdu sa transparence… Nous n’avions pas besoin de la Révélation pour apprendre que l’homme était blessé. Nous en aurions eu besoin pour découvrir qu’il pouvait être sauvé (SR, Dieu était là et je ne le savais pas, Presses de la Renaissance, p. 181).

Quand ressentons-nous le sentiment d’ex-ister ?

Je me souviens d’un jeu à 12 ans, avec ma sœur : Avec une manivelle nous frottions deux disques en sens inverse l’un contre l’autre et cela produisait des éclairs superbes. On créait de l’électricité. De même à la rencontre des confidences. Emotions extrêmes à l’écoute d’une sœur, d’une amie…

C’est seulement bien plus tard que j’ai compris l’originalité de ma jeunesse…

Durant deux ans j’ai raccompagné tous les jours chez elle une camarade de classe. Et comme ce n’était pas suffisant, souvent nous passions un dimanche entier dans son jardin ouvert sur la baie de Saint-Jean de Luz… L’âme alors se découvre. Les silences eux-mêmes sont immenses… Et parfois, de retour dans ma chambre, j’écrivais mes découvertes. Une gravitation me ramenait au mystère de l’existence.

Six ans plus tard ce furent des nuits entières… Je partais avec une amie dans une forêt où se trouvait une palombière. À plus de 20 mètres du sol, nous pouvions contempler un paysage immense de montagnes et de forêts. Au clair de lune c’était magique ! Là, nous lisions tour à tour, à la lueur d’une bougie, les œuvres de divers poètes…

Les attirances physiques existaient sans doute mais elles étaient transfigurées. On n’embrassait pas le corps mais les étreintes d’âme étaient sublimes.

Tout n’était que beauté. Forêt transfigurée par la lune, chant nostalgique de la chouette, voix de la lecture, merveille du texte…

C’était une école de poésie… L’amour régissait l’univers tout entier. Chacun se découvrait dans sa réalité spirituelle. « À mesure que tu parles, j’existe »… À mesure que tu m’écoutes, j’existe.

L’univers est une beauté qui nous élève, plus haut, toujours plus haut. Ensuite, c’est vrai, les disputes pour des queues de cerises avaient un côté ridicule… Quelques ombres pour souligner la lumière.